La polémique sur la réglementation de la psychothérapie s’amplifie. La Direction Générale de la Santé prévoit la création d’un diplôme de type master pour pouvoir utiliser le titre de psychothérapeute.
La guerre entre l’État et les psychothérapeutes, qui avait fait rage il y a deux ans, est en train de se ranimer. L’amendement Accoyer, voté en 2004, avait enflammé le monde des psys. Il réservait le titre de psychothérapeute aux professionnels inscrits sur un registre national, cette inscription se faisant automatiquement pour les médecins, les psychologues et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations. Mais l’Etat entend désormais aller beaucoup plus loin. Un nouvel avant-projet de décret prévoit la création d’un diplôme de type « master » qui deviendra nécessaire pour pouvoir utiliser le titre de psychothérapeute.
Des enseignants en psychologie, au syndicat des psychiatres privés (SNPP) en passant par la quasi-totalité des associations psychanalytiques… l’immense majorité des professionnels concernés s’élève contre ce projet. Seules les associations représentant le courant cognitivo-comportementaliste adhèrent aux orientations du ministère de la santé. Les opposants considèrent que le gouvernement profite du cadre posé par l’article 52 de la loi du 9 août 2004 pour créer une nouvelle profession paramédicale, une sorte d’« officier de la santé mentale », placé sous la tutelle des médecins, qui servira à combler les effectifs insuffisants des psychiatres.
C’est l’article 8 de l’avant-projet de décret qui est la cible de toutes les foudres. Alors que le texte de 2004 se contentait d’affirmer que le titre de psychothérapeute ne pourrait être utilisé qu’après « une formation en psychopathologie clinique », le projet actuel va jusqu’à définir le contenu de cette formation. Le texte précise qu’elle devra apporter « une connaissance des quatre principales approches validées scientifiquement (analytique, systémique, cognitivo-comportementaliste, intégrative) ». Cette volonté de légiférer sur le contenu de l’enseignement est très mal accueillie par les professionnels, qui considèrent que le gouvernement n’a pas à légiférer sur l’enseignement. « Il n’y a que dans les régimes totalitaires que l’Etat définit ce qu’est la science » déclare Philippe Grosbois, du Syndicat National des Psychologues. La mesure est d’autant plus mal acceptée que le débat fait rage, parmi les psys, entre le courant psychanalytique et le courant comportementaliste d’inspiration anglo-saxonne, sans parler des querelles internes à chacune des deux écoles. C’est cette controverse qui fait la richesse des réflexions sur la psyché, et ce n’est en aucun cas à l’État de la trancher.
De plus, la plupart des professionnels estiment que le projet de loi va produire l’inverse de ce qu’il vise. Alors qu’il a pour but de garantir une meilleure prise en charge du public, il risque de conduire à un affaiblissement de la formation des psychothérapeutes. La psychothérapie est une pratique délicate, qui ne s’apprend pas à l’université, mais au terme d’un travail sur soi qui passe par l’analyse. L’université ne peut apporter que de connaissances, et non une « formation » complète, avec toute la dimension pratique qu’elle implique. « J’enseigne la psychanalyse à l’université, ms je n’y ai jamais formé un seul psychanalyste » affirme pour cette raison Jacques-Alain Miller.
Les plus directement menacés par cette orientation ne sont pas les psychiatres, qui disposent de leur propre formation médicale, ni les psychanalystes, qui ont leur propre clientèle et peuvent tout simplement choisir de se passer du tire de « psychothérapeute », mais les psychologues, qui pratiquent souvent la psychothérapie. En effet, le nouveau diplôme de psychothérapeute sera vraisemblablement nécessaire pour pouvoir travailler dans une institution de soin. Les 3000 étudiants en psychologie, déjà gravement confrontés au chômage, sont menacés de voir leur diplôme perdre toute valeur.
Il semble donc que le gouvernement ait choisi de profiter de l’existence d’un réel problème, les dérives de l’utilisation du terme de « psychothérapeute » par des individus non formés, pour imposer une « psychothérapie d’Etat », régentée par les médecins, que l’on peut légitimement considérer comme dangereuse. Certes, le vide juridique autour de la psychothérapie est source de dérives. Ainsi la mission interministérielle de lutte contre les sectes a-t-elle signalé que certaines techniques de psychothérapie étaient utilisées par de sectes pour recruter de nouveaux membres. Il est essentiel que les patients puissent être informés sur la compétence et le sérieux de ceux à qui ils confient leurs maux.
Mais en même temps, cette volonté de création d’un corps de psychothérapeutes appartenant au domaine paramédical confirme une tendance à la médicalisation de la psychothérapie, amorcée en 2003 par le rapport Cléry-Melin, qui pose réellement problème. La psychanalyse repose en effet sur la possibilité pour le patient d’effectuer un travail sur lui-même à partir de lui-même, avec la médiation, certes, d’un psychanalyste, mais qui n’est pas en position de détenteur du savoir. Médicalisé, le patient devient l’objet passif d’un diagnostic et d’un traitement qui le sépare de son corps. Les traitements médicaux des troubles de la psyché sont certes, pour de nombreux patients, utiles et nécessaires, mais ne court-on pas de grands risques à vouloir fermer l’espace à toute autre forme de prise en charge ? A l’époque de l’amendement Accoyer, les psychothérapeutes avaient proposé de créer leur propre organe d’auto-régulation et de surveillance, un Office national de la psychothérapie. Il semble que le gouvernement n’ai pas été à l’écoute.
Je trouve que ce projet de décret a de quoi nous inquiéter. En effet, en arrière-plan, c’est la question de la conception de l’être humain qui est posée. Certaines techniques de la psychologie comportementale s’apparentent plus à du dressage qu’à autre chose. Le gouvernement semble bel et bien privilégiée cette approche théorique, qui a parfois l’inconvénient de nier la souffrance humaine. Au contraire, on voudrait nous faire croire que l’être humain est une espèce de machine, à laquelle on peut se contenter d’appliquer toujours les mêmes recettes. Le courant cognitivo–comportementaliste s’inscrit vraiment dans la société actuelle. De même que l’école doit maintenant apporter des « compétences » directement exploitables dans le monde du travail, la psychologie devra servir à modifier le comportement des gens, de telle sorte qu’ils puissent être plus adapté à leur environnement. Et si la psy ne fonctionne pas, il restera toujours les petites pilules roses pour prendre le relai !
Drôle de société où on désire ainsi se rassurer à tout prix sur nos capacités à contrôler les comportements humains. Vanité !
Je partage l’avis de l’internaute qui a réagis. Il est vrai que les consultants des écoles comportementalistes sont formés pour convaincre, ils savent se vendre. Je dois reconnaitre que certaines applications pour former des vendeurs sont efficaces. Les tenants de la programmation neurolinguistique, l’hypnose Ericksonnienne, La gestalt, analyse transactionnelle, sans oublier l’approche systémique ou transactionnelle et bien sûr la pensée créatrice positive sont doués pour nous convaincre qu’en 6 mois ou quelques Weekend, on peut non seulement guérir de son mal être mais réussir tous nos objectifs aussi bien matériels qu’affectif plus que ça retrouver l’harmonie. Que c’est réconfortant de s’entendre dire qu’en 6 mois on va changer une problématique existentielle datant de 25 35 voire 55 ans. De plus des situations de chômages de ruptures affectives, de remise en question professionnelles de société. Il y a de quoi trouver des clients. Il est vrai que l’attitude plus humble du psychanalyste, qui est là pour accompagner un analysant ou un patient tout au long de la cure avec patience et écoute basée sur une connexion d’inconscient à inconscient. Ce dernier connait trop la psyché humaine, ses souffrances, ces limites, ces traumatismes personnels ou collectifs. Celui connait trop bien les milles et un tour qu’un inconscient peut vous jouer pour vous empêcher de changer. Car il a fallu l’Energie et la force de tout un système de refoulement pour vous permettre de fabriquer votre armure. Bien sûr que tout analyste et analysant qui a fait ce long parcours du combattant, sait combien il faut de temps et de séances pour libérer une à une toutes les chaines de conditionnement et de traumatismes. Après 8 ans d’analyse dans une approche psychanalytique Freudienne ou autre et 1 ans ou plus de travail comportementaliste et même 8. Il n’y a aucune comparaison, les objectifs affichés dès le départ ne sont pas les mêmes. J’ai eu la chance de pouvoir expérimenter les deux, de même j’ai vu des proches expérimenter les deux voire deux d’entre eux avec une longue formation pour être maitre praticien dans l’une de ces disciplines. Ils ont été amenés chemins faisant à faire un vrai travail en profondeur sur eux-mêmes par un travail psychiatrique. On ne peut éviter la descente au fond de soi, pour mieux se connaitre et se libérer définitivement de ses croyances puériles. Il est vrai qu’aller au fond de soi vous rend humble et vous donne moins cette agressivité à convaincre les autres qu’on résout tout par quelques séances. Il est vrai que pour faire acheter il faut vendre les vertus de telle ou telle approche. Il faut rassurer, promettre des résultats (certes qui sont bien éphémères) mais qu’importe M. ET MME TOUT LE MONDE LE CROIT. En tout cas personne ne peut juger ce qu’il ne connait pas, la psychanalyse se vit s’expérimente et il n’y a aucune lecture pouvant vous faire ressentir ce qui s’y passe. Psychanalystes rigoureux perdez votre réserve et respect des autres. Exprimez-vous vous avez de quoi être fiers et empêcher que les plus vendeurs ne l’emportent encore une fois sur le réel exercice de compétence.