Je parie que vous ne l’attendiez pas, celle là! La plupart des gens qui s’intéressent à l’instruction en famille demandent « mais et la socialisation ? » Après avoir testé les deux systèmes personnellement et en qualité de parent, après avoir considérablement lu sur le sujet, je suis parfaitement à l’aise pour affirmer que l’instruction en famille est une chance pour la socialisation des enfants.
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La socialisation peut être définie sommairement comme la capacité à interagir harmonieusement avec d’autres personnes. Elle suppose l’établissement de rapports d’égalité et de respect entre les personnes. Pour atteindre cette égalité, il est important d’avoir une bonne estime de soi, de se sentir suffisamment confiant en ses propres capacités et sa propre valeur pour aller vers les autres, ne pas se laisser dévorer ni écraser autrui.
Il se trouve que toutes les études convergent : les enfants instruits en famille ont une meilleure estime d’eux-mêmes, peut-être née du fait qu’ils évoluent dans un environnement plutôt bienveillant duquel les menaces physiques et psychologiques sont globalement exclues. La violence du monde leur parvient notamment par la télévision, les informations, internet (beaucoup d’enfants instruits en famille sont par exemple abonnés à des journaux type Petit Quotidien), mais assourdie.
L’absence de confrontation directe et habituelle à la violence des enfants instruits en famille se double de trois faits importants :
1. Les enfants instruits en famille rencontrent d’autres enfants instruits en famille. La rareté de l’offre de familles à rencontrer conduit les enfants non-sco à rencontrer des enfants de tous âges. L’habitude d’évoluer parmi des enfants de tous les âges conduit à une sorte de non-cloisonnement des amitiés par tranche d’âge. Dans notre groupe, je vois fréquemment les grandes de 16 ou 14 ans jouer aux cartes avec les petites de 10 ans. Les garçons ne sont pas en reste, prêts à aider un petit au besoin. Cette fréquentation donne à nos enfants un sentiment d’appartenance, de communauté. Ils nouent des amitiés solides, discutent avec d’autres adultes. Je sais que l’adolescence de mes enfants se produira dans la proximité de référents guère plus âgés mais tout de même significativement plus âgés, aptes à recueillir des confidences, donner des conseils avisés et alerter les adultes au besoin. Les parents des autres enfants non-sco que nous fréquentons régulièrement sont également à même de jouer ce rôle de relais. Ma fille, à 14 ans, pourra ainsi prendre conseil non seulement auprès de ses copines de la même tranche d’âge, mais également auprès de grandes qui auront 18 ou 20 ans, qu’elle connaîtra et en qui elle aura confiance. Et en qui j’ai également confiance. Le sentiment d’appartenance, de communauté, est important et le fait de rencontrer fréquemment des personnes qui vivent un quotidien similaire et nouer des amitiés est un avantage déterminant pour la non-sco.
2. La fréquentation habituelle de personnes de classes d’âge au spectre très étendu permet à l’enfant de se sentir intégré dans un mouvement global, sans cassure, sans rupture. Nous le constatons systématiquement avec les autres enfants non-sco que nous fréquentons, et plus particulièrement avec ceux qui sont instruits en famille depuis toujours. Ils nous parlent, donnent leur avis, demandent le nôtre là où les copains scolarisés de nos enfants sont toujours un peu mal à l’aise en notre présence, ne sachant pas trop comment se comporter, écourtant autant que possible leur temps en notre présence.
On nous accuse souvent de surprotéger nos enfants, de ne pas les confronter à la « vraie vie » voire même à « l’altérité ». C’est le contraire qui se passe, et c’est ce qui rend aussi la non-sco si passionnante.
Nous, parents, sommes conscients que nos enfants ne sauraient vivre épanouis en vase clos et nous ne le souhaitons pas. Les occasions de rencontrer du monde sont multiples et peuvent chacune permettre d’élargir ses connaissances : notre maraîcher, qui explique quel melon choisir et pourquoi ou nous explique pourquoi les cerises de tel endroit sont meilleures que celles-ci. La boulangère, qui présente un nouveau pain et ses avantages ; la bibliothécaire, qui n’a pas de réponse toute prête à la question posée et cherche avec les enfants ; l’astronome qui explique pourquoi Pluton a été déclassifié des planètes La connaissance est partout, il suffit d’ouvrir les yeux pour la voir et et les oreilles pour la saisir. Nous étions samedi dernier à une soirée « atelier des étoiles » dans un hameau de montagne. A mon grand plaisir/à ma petite gène, mes enfants ont monopolisé l’astronome, tandis que les autres personnes présentes restaient muettes. J’étais épatée par l’étendue de leurs connaissances (l’astronome aussi) et par les questions qui fusaient. Je ne suis pas du tout intervenue ; ils n’ont pas été intimidés du tout par ce monsieur inconnu, de 50 ans, qui répondait aux questions, montrait, dessinait et riait avec eux.
Le fait de faire évoluer nos enfants dans un environnement protégé, contrôlé, ne les confronte qu’à des adultes bienveillants, dont ils n’ont rien à redouter. Cela leur donne confiance en eux, confiance pour aller vers les autres, confiance en eux-mêmes. Les confrontations avec des personnes désagréables ne les ébranlent pas ; ils savent qu’il ne s’agit pas d’une généralité, ils savent que ce n’est pas dirigé contre eux puisqu’ils expérimentent en permanence le contraire.
La fréquentation de clubs sportifs, de musique, de théâtre permet aussi aux enfants d’évoluer en groupe, pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un groupe constitué de non-sco à proximité de chez eux. On est loin des enfants-rois fantasmés par quelques ignorants pédants. Les enfants instruits en famille sont en général de forts caractères, des enfants élevés par leurs parents dans le respect de leur personnalité et la protection d’un certain droit à la parole (pas toujours très confortable à vivre en qualité de parent, je l’avoue). Dans le groupe que nous fréquentons, qui consiste en 10 à 15 enfants à chaque fois, pas toujours les mêmes, dans une tranche d’âge de 7 à 16 ans, il n’y a jamais eu de conflit nécessitant la moindre intervention d’un adulte. Évidemment jamais de bagarre !
3. Enfin, les enfants instruits en famille évoluent dans la vraie vie : ils apprennent non dans les livres, mais au contact de professionnels ou de passionnés qui transmettent leurs connaissances ; ils expérimentent ; ils touchent, ils goûtent.
En réalité, la socialisation est une raison importante d’instruire en famille.