Les non-résidents peuvent-ils avoir à supporter l'ISF sur les « titres de participation » dans des sociétés basées en France ? La question reste en suspens.
En principe, les personnes physiques non domiciliées fisca- lement en France sont assujetties à l'ISF à raison de leurs biens situés en France (CGI, art. 885-A).
Pour cela encore faut-il que la valeur nette de ces biens soit supérieure à ME au 1er janvier de l'année d'imposition.
Dès l'origine c'est-à-dire dès la loi de finances pour 1982 instituant l'Impôt sur les grandes fortunes, remplacé depuis par l’ISF — le législateur a adouci ce principe par une exception destinée à inciter
les non-résidents à maintenir ou à accroître leurs placements financiers en
France. Pour cette raison, ces personnes échappent à l'ISF à concurrence de leurs placements financiers en France (CGC art. 885-L, al. 1er).
Cette exception est tempérée par une exception — faisant ainsi retomber dans le champ d'application du principe qui concerne les actions ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitué d'immeubles sis en France (CGI, art. 885-L, al. 2)
Une position du fisc non prévue par la loi
La doctrine administrative ajoute que les titres de participation ne sont pas considérés comme des placements financiers (BOI-PAT-ISF-30-40-50-20130610, n050 à 90). La notion de « titres de participation » se rencontre en matière de fiscalité des entreprises, domaine dans lequel une distinction est effectuée entre ces titres et les titres de placement (CGI, art. 39-1 50 : provision pour dépréciation des titres de participation, CGI, art. 219-1-a quinquies : plus-values afférentes aux titres de participation détenus par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés (IS).
Toutefois, l'article 885-L du CGI n'opère pas de distinction entre les « titres de placement » et les « titres de participation ».
Sauf exception expressément prévue par ce code, la règle de « spécificité des textes fiscaux » interdit de transposer à un impôt ou à une catégorie de contribuables les dispositions relatives à un autre impôt ou à une autre catégorie de contribuables
Les textes fiscaux sont d'interprétation stricte. S'agissant des titres détenus par des non-résidents assujettis à l'ISF, il y a donc lieu de s'en tenir à la distinction entre les « placements financiers » et les « actions ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitué d’immeubles sis en France ». L'article 885-L du CGI n'exclut pas du champ d'application l'exonération des titres de participation.
Les titres détenus en France par des non-résidents échappent à l'ISF
En prévoyant le contraire, la doctrine administrative effectue une distinction non prévue par ce texte !
Or le législateur est exclusivement compétent pour fixer-les règles relatives à l'assiette des impositions de toutes natures (Constitution 4 oct. 1958, art. 34).
La doctrine administrative qui ajoute à la loi fiscale est donc dépourvue de valeur juridique en raison de l'incompétence de son auteur et, pour cette raison, inopposable aux contribuables (à l'inverse les contribuables peuvent — sous réserve du respect des conditions posées par l'article L. 80-A du CPF — se prévaloir à l'encontre de l'administration fiscale de la doctrine administrative qui leur est favorable).
Une position contraire du juge fiscal
Il en résulte que — sous réserve des actions ou parts de sociétés dont l'actif est principalement constitué d'immeubles sis en France — les titres détenus en France par des non-résidents échappent à l'ISF, et cela indépendamment du fait de savoir si ces titres peuvent ou non être regardés comme des titres de participation.
En 2013 et en 2014, le juge fiscal a eu l'occasion de préciser que les services fiscaux n'étaient pas fondés à inclure dans l'assiette de IIISF des non-résidents les titres de participation détenus par ceux-ci en France (TGI Paris, 07 juin 2013, RG n" 1/03155 , TGI Bobigny, 13 février 2014, RG n" 2/0891 6). II n'en demeure pas moins que l'administration fiscale a maintenu sa position (BOI-PAT-SF-30-40-50-20130610/ n°50 à 90) sans demander au législateur de modifier l'article 885-L du CGI dans un sens favorable à ses prétentions.