Les délais d'attente sont de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous chez un psychiatre.
Les psychiatres débordés
« Nous n'arrivons pas à répondre à la demande ! » s'exclame le Dr Jean-Michel Barrand, de la Fédération française de psychiatrie. De fait, le nombre de consultations et de prises en charge ne cesse d'augmenter. Depuis dix ans, elles ont fait un bond de 46 % dans le secteur public et de 17 % en libéral. Toute une population qui, auparavant, ne fréquentait pas les "psy", n'hésite plus à franchir le pas. Cet écart devrait encore largement se creuser avec les retombées de la Covid.
Quand vous êtes en souffrance existentielle et que cela se traduit par l'anxiété, l'insomnie ou la dépression, à qui en parler autrement qu'en l'habillant de manière médicale ? Aucun médecin ne refuse d'ouvrir sa porte. Il authentifie votre souffrance par un diagnostic et une ordonnance. Et on a le sentiment d'être un peu moins seul.
Face à cette demande massive, la profession a du mal à s'organiser. Il est vrai qu'elle est confrontée à un réel problème démographique. On nage en plein paradoxe. La France est, après la Suisse, le pays qui a la plus forte densité de psychiatres au monde. Ils sont un peu plus de 13 000 à exercer, soit 22 praticiens pour 100 000 habitants. Mais si le recrutement reste au niveau actuel, il n'y aura plus que 7 500 professionnels en 2030, soit une chute de 40 %.
Autre problème, les psychiatres sont très inégalement répartis sur l'ensemble Au territoire. À Paris, on compte 8 psy pour 100 000 habitants, alors que la densité est inférieure à douze en Mayenne ou en Lozère et qu'elle tombe à huit dans les départements d'outre-mer. En principe, chacun peut choisir librement son médecin. Mais il est clair que c'est plus facile à Paris qu'à Mende...
Manque de psychiatres dans les hôpitaux
Enfin, on assiste à une véritable fuite des cerveaux du secteur public vers le privé. A peine leurs études terminées, les deux tiers des jeunes psychiatres choisissent l’exercice libéral.
Résultat : l'hôpital et ce que l'on appelle "le secteur", c'est-à-dire toutes les structures publiques déconcentrées (Centres médico-psychologiques, foyers, Centres d'accueil thérapeutiques à temps partiel...) manquent de personnel.
Actuellement, 800 postes à temps plein ne sont pas pourvus dans les hôpitaux psychiatriques.
Malheureusement plus personne ne veut faire ce métier-là. Certes, un psychiatre gagne mieux sa vie en libéral qu’à l'hôpital. Mais les questions matérielles n'expliquent pas tout.
« Dans le secteur public, nous sommes submergés de demandes auxquelles nous ne pouvons plus répondre. Les psychiatres ont de moins en moins de temps pour s'occuper de leurs patients », explique le Dr Barrand
En dix ans, l'activité de son service a doublé alors que le nombre de soignants est resté le même.
Il s'organise avec une équipe qui compte quatre ou cinq médecins et couvre un secteur comprenant un pavillon d'hospitalisation, trois hôpitaux de jour, deux appartements thérapeutiques, un foyer d'accueil, trois centres médico-psychologiques, huit maisons de retraite et trois CATTP (Centres d'accueil et de traitement à temps partiel). Chacun pouvant être distant de l'autre d’une trentaine de kilomètres.
Ils ne soignent pas que les maladies mentales
Ces dernières années, le champ de la psychiatrie s'est considérablement étendu. Les "psy" doivent non seulement s'occuper des névrosés et des psychotiques, des maniaco-dépressifs, mais aussi des enfants agités, des adolescents en crise, des toxicomanes, des SDF, des pédophiles...
On demande parfois l'intervention de ces spécialistes dans les services de cancérologie, dans des centres de lutte contre la douleur et des équipes de soins palliatifs. Ils interviennent sur le terrain en cas de catastrophe naturelle ou d'attentat. Il y a même des psychiatres en entreprises.
Aujourd'hui, on ne sait plus ce qu'on attend d'un psychiatre.
Le temps est venu de clarifier les rôles, définir le champ de la psychiatrie et son identité. Les psychiatres veulent toujours plus. Mais il y a des choses qu’ils savent faire et d’autres qui ne sont pas de leur ressort.
Pour le grand public, c'est le flou le plus total. Entre le psychiatre, le psychologue et le psychothérapeute, sans oublier les médecins généralistes dont un quart de la clientèle souffre de troubles mentaux, on ne sait plus à qui s'adresser.
Rappelons que le psychiatre est un médecin qui a suivi six ans d'études médicales plus une spécialisation en quatre ans. Les pédopsychiatres font une année supplémentaire. Le psychologue, qui n'est pas médecin, a, en principe, effectué cinq ans d'études universitaires. Les psychothérapeutes peuvent être à l'origine psychiatre, psychologue ou venir d'horizons complètement différents.
À l'heure actuelle, n'importe qui peut s'improviser psychothérapeute, cette profession n'étant pas réglementée. Quant aux généralistes, grands prescripteurs d'antidépresseurs et d'anxiolytiques, ils n'ont qu'une vingtaine d'heures de cours de psychiatrie durant leurs études.
Différents moyens de traitement
En secteur privé, le psychiatre devrait avoir une double formation équivalente en matière de médicaments et d'aide psychologique. Il serait susceptible de s'occuper des patients que le médecin généraliste ne peut pas prendre en charge et qui n'ont pas besoin d'être hospitalisés, c'est-à-dire tous les problèmes névrotico-existentiels et réactionnels comme l'anxiété, l'insomnie, la dépression, les douleurs somatiques. Quant aux psychologues, ils prennent en charge tous ceux qui ont besoin d'être écoutés et de parler, à condition qu'il n'y ait pas besoin de prescrire un médicament.
Les rôles ne sont pas plus clairs au sein même de la profession de psychiatre. Certains ont la réputation d'être des prescripteurs de médicaments, d'autres se veulent avant tout psychanalystes, d'autres encore se sont spécialisés dans les thérapies cognitivo-comportementales.
Il faut savoir que, d'une région à l'autre, d'un individu à l'autre, la formation n'est pas la même. Selon leur sensibilité personnelle, l’influence de leurs professeurs, leurs moyens financiers et le temps dont ils disposent, certains psychiatres sont formés aux psychothérapies, d’autres n'ont que des connaissances partielles sur le sujet.
Les médicaments sont trop souvent prescrits
Prenons l'exemple de la psychanalyse. Pour l'apprendre et ensuite la pratiquer, il faut l'avoir soi-même expérimentée. Beaucoup de jeunes praticiens ne sont pas disposés a se lancer dans un tel travail. De moins en moins de jeunes médecins s'intéressent aux sciences humaines, la philosophie et à la psychanalyse. Ils sont avant tout des prescripteurs et laissent faire le reste du travail par les psychologues et les infirmières.
Alors, comment choisir son psychiatre ?
Avant de prendre rendez-vous, mieux vaut demander conseil à son médecin généraliste. Il connaît les professionnels qui exercent dans les environs. Lors de la première rencontre, on peut questionner le psychiatre sur sa formation, le déroulement des consultations, la durée de ta thérapie et son coût.
Comment savoir si l'on a affaire à un bon psychiatre ? L'effet de mieux-être est évident. Fiez-vous aussi à votre perception personnelle. Parfois, on sent que ça ne colle pas.
Le bouche à oreille est parfois aussi un bon moyen. Mais, attention, un même médecin ne « plait » pas forcément à tout le monde (surtout quand il s’agit de traiter le psychique). Chaque cas est différent. Il n’y a pas deux dépressions identiques. Le psychiatre ne proposera pas le même traitement d’un individu à l’autre.
Dernière recommandation : un cabinet médical aménagé pour obtenir une bonne confidentialité (double porte) est préférable. Et les appels téléphoniques incessants durant la consultation ne favorisent pas les confidences.