Depuis l’an 2010, la BCE (Banque Centrale Européenne) a progressivement ramené les taux d'intérêt auxquels les organismes bancaires peuvent se refinancer auprès d’elle à taux zéro, un niveau atteint en mars dernier. Depuis 2015, la BCE achète également des titres via les marchés financiers à raison de soixante milliards d'euros tous les mois, cadence qu'elle a portée à quatre-vingt milliards courant mars.
Cela correspond à la mise en circulation de neuf cent soixante milliards d'€ de monnaie supplémentaire tous les ans, soit neuf pourcent du produit intérieur Brut de la zone euro.
Néanmoins elle va encore prêter aux organismes bancaires très lourdement sur une durée de 4 ans à taux 0, à l’unique condition qu’elle redonne ces sommes aux foyers et aux entreprises.
En théorie, des mesures de cette ampleur devraient entraîner un tel afflux de liquidités qu'elles relanceraient l'inflation. Or, au contraire, les prix avaient baissé en avril dernier de 0,2 % sur un an, selon l'Insee. Ce taux est négatif depuis déjà le début de l'année et il n'a jamais dépassé 0,5 % depuis la mi-2014. Et la France ne fait pas exception : elle se situe dans la moyenne de la zone euro.
Or, la Banque centrale considère que l'inflation doit être proche de 2 % pour que l'économie ne risque pas de tomber dans la déflation, c'est-à-dire une situation où les acteurs économiques anticipant que les prix vont baisser, attendent avant d'acheter et cessent d'investir.
C'est la raison pour laquelle la BCE n'arrête pas d'accroître son action.
Comment expliquer un tel décalage ?
C'est la combinaison de facteurs internes et externes. Ce qui fait l'efficacité d'une politique économique ce n'est pas seulement la politique monétaire, c'est ce qu'on appelle le « policy mix», l'ensemble que forment la politique monétaire, la politique budgétaire des Etats, mais aussi celle du marché du travail.
Or en Europe, ces politiques sont contradictoires : pendant que la BCE combat la déflation, les politiques budgétaires et celles du marché du travail la favorisent. En effet, tous les Etats diminuent leurs dépenses tout en augmentant les impôts, ce qui oblige leurs citoyens à se serrer la ceinture. Et cela d'autant plus que les politiques de marché du travail visent à développer en priorité l'emploi précaire tout en faisant baisser le coût du travail, et donc les revenus des travailleurs. De ce fait, ils dépriment la demande des ménages.
Dans ce contexte, les entreprises, qui ont toujours des capacités inutilisées, n'ont aucun intérêt à investir malgré la faiblesse des taux d'intérêt. Le chômage restant élevé et les capacités sous-utilisées, l'inflation ne s'accroît pas. Cette contradiction est renforcée par la situation de l'économie mondiale. Comme les rendements des capitaux baissent en Europe du fait de la politique de la BCE, la demande d'euros diminue et donc aussi son prix sur les marchés des changes : l'euro a ainsi perdu 19 % de sa valeur vis-à-vis du dollar depuis mai 2014.
Cela devrait entraîner un regain d'inflation puisque les prix des produits importés devraient augmenter.
Sauf que, dans le même temps, l'activité a fortement ralenti dans les pays émergents, ce qui déprime les prix mondiaux et, au bout du compte, annule l'effet qu'aurait dû avoir la politique de la BCE. Déflation interne et absence d'inflation importée, voici la réponse à la question.